+ time is money, business is business. «
- Stilinski ? » Je ne réponds pas à l'appel, bien trop occupé à souffler du bout de ma sarbacane faite maison des boulettes de papier sur cette pauvre Susan McNaley. On a pas idée d'avoir un nez pareil aussi! Pas ma faute si j'essaie de voir si ce pif peut faire office de piste d’atterrissage pour mes petits missiles. Hein ? OH, moi c'est Nolan. Nolan Stilinski, enchanté. Je suis ce qu'on peut appeler le bout-en-train de la classe. N'en déplaise à certains, j'aime faire ce que je veux, et avec qui je veux. De plus, j'amuse mes petits camarades, alors pourquoi m'arrêter ? Les filles aiment les badboy...Elles sont tellement prévisibles, c'est fou. J'en fais des caisses et pourtant ça marche quand même. Quiconque est à ma place ne se gênerait pas pour continuer ma petite vie de pacha. «
- STILINSKI ! » Oh merde! Surpris, je sursaute et manque de m'étouffer avec ma sarbacane. Je ne rigole plus du tout, là ! Je cache rapidement l'arme du crime dans ma trousse et la ferme juste à temps, avant que la professeure ne s'approche de ma table. «
- Je vous ai vu, gros malin. Donnez moi une seule bonne raison de ne pas vous coller... » Avec moi, elle en a connu des vertes et des pas mûres. Je souris en coin, ne la regardant pas tout de suite. Autour de moi, quelques élèves pouffent de rire. Je relève alors les yeux vers elle, le regard satisfait. «
- Mais voyons, parce que vous m'a-do-rez Madame Hostings... » Je mets ma bouche en cul de poule alors qu'un éclat de rire général retentit maintenant aux quatre coins de la salle. Virant au rouge, ma prof de l'époque réajusta ses lunettes sur son front avant de pointer un doigt vers moi, d'un geste théâtral. «
- Petit... » Con ? Mais son insulte, elle ne la prononça jamais, son professionnalisme lui dictant peut-être de laisser courir. Encore. Alors qu'elle retournait à son bureau, je riais à mon tour et frappais dans les mains qu'on me tendait pour me féliciter. Je vivais la vie qu'un lycéen espérait: populaire, craint et admiré à la fois, j'avais tout pour moi. Tout...Sauf une idée de ce que j'allais faire plus tard. Une fois diplômé, je me retrouvais à la ramasse. Et seul, évidemment, puisque tous allaient dans des directions différentes. Je leur avais fait croire que je tenais le cap, mais c'était bien loin d'être le cas. «
- Tu sais, Roman se débrouille très bien avec ses études, lui. Peut-être que vous pourriez prendre un moment, et discuter tous les deux ? Tu sais, 'Où te vois-tu dans cinq ans ?' et tout ça ? En jouant, peut-être que vous vous aiderez réciproquement. » Ma mère tenait ce genre de discours presque à chaque fois qu'elle me voyait. Roman, c'était mon jeune frère, de deux ans mon cadet. Oh, il avait trouvé sa voie comme un grand et y excellait: la communication. Son parcours dans les études supérieures était tout tracé, tandis que le mien...«
- Maman, je ne sais pas où je serai dans cinq ans, mais une chose est sûre, c'est que Roman, lui, il sera à quatre pattes en train de me cirer les pompes! » Plaisantais-je pour détourner rapidement la question de mon avenir. Le concerné, faussement choqué, me donna un coup à l'épaule avant de retourner à ses occupations.
«
- Nolan, puisque tu prends une année sabbatique, je pensais que tu pourrais m'aider au garage... » Je me figeais en entendant mon père et fermai les yeux, exaspéré. Dos à lui, je peux imaginer qu'il me fixe intensément, attendant un "oui" inespéré. «
- Je t'ai pourtant dit que retaper les anciennes voitures, ce n'est pas pour moi..Écoute, j'ai beaucoup de respect pour ton boulot de mécanicien, mais désolé, ça, c'est pas moi ! » Je me tournai vers lui, bras croisés. Cette discussion, nous l'avions déjà eu plusieurs fois, voilà pourquoi je n'avais pas été très fin dans ma réponse. «
- Et pourquoi ça ? Tu crains de te salir les mains ? De te mettre du cambouis sur ton minois de jeune premier ? Encore un truc de jeune ça... » Râla-t-il avant de sortir de la chambre. Faux, faux, et archi-faux. Levant les yeux au ciel, je fermai la porte derrière lui avant de me laisser tomber sur mon lit, poussant un petit cri rageur au creux de mes coussins. Finalement (et surtout pour lui faire plaisir), j'ai accepté de travailler quelques temps dans son garage. Cela m'a permis de me faire un peu d'argent et de me frotter pour la première fois au côté concret d'un métier. Ce qui me confortait dans mon idée que je n'étais pas fait pour être mécanicien, mais sans rien dire, je me donnais du mal à la tâche. Quand je n'examinais pas le capot d'une voiture, je piochais les brochures d'études supérieures, sans y croire vraiment. Les ressources humaines me branchaient bien, mais sans plus.
Puis, il y eut une discussion avec mon frère qui éveilla beaucoup de choses en moi. Discussion ? Vraiment ? "Dispute" ou "déballage de sac" seraient les termes les plus appropriés pour décrire ce qu'il m'a pondu ce jour-là. J'étais encore dans ma chambre (à croire que les hommes de ma famille n'ont aucune idée de ce que l'expression 'espace vital' veut dire) lorsque Roman frappa quelques coups à la porte de ma chambre. «
- Je peux entrer ? » Me lança-t-il depuis le couloir. «
- Il faut que je te parle...D'un truc! » Bravo Einstein ! «
- Bah maintenant que t'es là, je t'écoute! » Je me décale avec ma chaise de bureau sur roulette et l'observe entrer. Oh. Il n'avait pas l'air content. Refermant la porte derrière lui, il resta ensuite face à moi, bras ballants, telle une armoire à glaces. «
- Je voulais savoir: c'est quoi ton problème ?» Incrédule, je restai plusieurs secondes sans réagir, avant de répondre d'une voix molle, déjà lassé: «
- Mon problème...? » Serrant les dents, il s'approcha de moi et ne me laissa pas le temps de réagir. Il se pencha, posant ses mains sur les appuis de mon fauteuil, son visage à seulement quelques centimètres du mien. «
- Ouais, ou plutôt ton putain-de-problème, devrais-je dire ! Tu comptes vivre sur le dos de papa et de maman combien de temps, hein ? T'attends quoi pour te sortir les doigts du cul, d'arrêter de faire la fine bouche et d'aller bosser une bonne fois pour toutes ?! » Quelque chose grondait en moi: la colère, la déception, la rage. Je me redressai, et lui se reculai vivement pour éviter que nos têtes se cognent. «
- Alors quoi? C'est comme ça que tu me vois ? Un déchet ? C'est ça, un déchet ? » Devant son absence de réponse, je serrai les poings et lui collai une droite mémorable. Alerté par le rafuts que le début de notre bagarre provoquait, mon père monta rapidement et nous sépara, déboussolé. «
- Mais t'en fais pas je t'emmerderai plus!» Menaçais-je tout en fixant mon frère dans les yeux par dessus l'épaule de mon père, qui me maintenait à une distance raisonnable de Roman. «
- JE T'EMMERDERAI PLUS, T'ENTENDS ?! Je vais bosser ouais, et quand j'aurai assez de fric, je me casserai ! Et dans quelques années, ce sera TOI qui bossera pour moi ! » Nolan secoua la tête et leva les yeux au ciel avant de sortir de ma chambre, sous les conseils de notre père qui s'en prenait plein dans les oreilles. «
- Toujours à se la ramener... » Se plaignit Roman sur son chemin. Toute notre enfance, j'avais pris soin de mon petit frère; il n'y avait qu'avec lui que je réussissais à tomber le masque et être le "vrai" Nolan. Mais qu'il me rejette et me rabaisse de la sorte me faisait du mal. Le génie de la famille se prenait pour un crack, ah ouais ? C'est ce qu'on allait voir. Plus déterminé que jamais à clouer le bec à mon frère, ma famille, et tous ceux qui me prenaient pour un incapable, un sale petit con arrogant, je me penchai plus que jamais vers mon avenir. Avec du temps et un peu de recherche, je découvrais que le secteur des ressources humaines semblait bien me correspondre, en fin de compte. Autant de temps pour me rendre compte que j'avais raison depuis le début...
Je dus travailler beaucoup plus dur que les autres pour espérer décrocher un quelconque métier dans ce milieu-là. Je n'avais aucune qualification pour prétendre à une formation, mais je m'en donnais les moyens. Je faisais connaissance avec le mot 'travail', d'une manière encore inconnue. Je réalisai avec stupéfaction que j'aimais ce que je faisais, au grand soulagement de mes parents, et...au désarroi de mon frère. Finalement, stages après stages, sourire colgate après sourire colgate, j'ai réussi à décrocher une place au sein de Pure Derma. Je travaillais dur, et après quelques années, cela paya ses fruits: montant en grade, je n'étais plus tout seul dans un bureau, à m'occuper de mes propres affaires. On avait mis à mon service une poignée d'employés. Gérer des dossiers et le bon travail de quelques personnes de l'entreprise me donnait un pouvoir inespéré. Pouvoir qui ne me donnait qu'envie d'en avoir plus. J'en intimidais certains, et j'en jubilais. Certains, oui. Pour d'autres, c'était une autre histoire...Tiens, prenez Grace Meade par exemple. Elle était l'une des rares (si ce n'est la seule) à oser remettre en cause ma parole, et à me tenir tête, envers et contre tout. «
- Il serait vraiment temps pour vous d’arrêter de me répondre de cette manière Madame Meade, j’ai de l’influence sur votre job je vous le rappelle et il serait quand même dommage que vous soyez virer de cette entreprise. » Nous étions deux fortes personnalités. Elle ne manquait jamais une occasion d'essayer de me remettre à ma place. Au final, ces tentatives m'amusaient plus qu'elles ne m'énervaient. Disons que quand quelqu'un mord en retour, ça ajoute de l'ambiance à un boulot plutôt monotone. Ainsi, nos relations étaient plutôt électriques. Au niveau professionnel, mais pas seulement. Allons, j'entends les bruits de couloir et je ne suis pas bête. Je n'étais pas non plus aveugle aux regards que me lançait les employées de la boîte. Nous n'étions plus au lycée mais après tout, les codes restaient les mêmes, n'est-ce pas ? «
- Et alors, avec Meade ? » Me demandait quelques fois des collègues de travail autour de la machine à café. «
- Si elle t'emmerde trop, t'as qu'à lui rouler une grosse pelle pour la faire taire! » J'esquissai un sourire en l'entendant et soufflai sur mon café avant de le porter à mes lèvres. «
- Je suis certain que ça ne lui déplairait pas, en plus... » Déclarais-je avant de boire une gorgée de mon café, provoquant quelques rires chez la gente masculine présente autour de moi. Cette plaisanterie m'avait permis de cacher ce que moi, je pensais vraiment de l'idée de poser mes lèvres sur celles de Grace. Oh, ce ne serait pas désagréable j'imagine, c'était malgré son sale caractère une très belle femme...
Mais il y avait un hic: cette réflexion qu'elle m'avait faite après avoir débattu du dossier à rendre. Réflexion qui me trottait dans la tête depuis pas mal de temps. «
- Je ne crois pas que vous seriez capable d’aller jusque-là car vous savez très bien que jamais vous ne pourrez obtenir une assistance qui fait son travail comme je fais le mien ! Mais de toute façon, je pense que vous allez bientôt subir quelques changements dans vos employés alors il serait peut-être mieux d’éviter des paroles que vous pourriez regretter à l’avenir. » Intimidation, ou...? Pendant un moment, je n'ai pas su de quoi elle voulait parler. Et puis, en entendant parler de plus en plus souvent dans les couloirs du poste de directeur, j'ai fait le lien entre les deux, et j'ai enfin compris. «
- La garce! » M'exclamais-je à mon bureau, attirant l'intention de ma secrétaire, qui, tremblante, me demandait si elle avait fait quelque chose de mal. Agacé, je secouai la main pour lui dire que non et me dirigeai vers le bureau de l'actuel directeur, qui prendrait sa retraite sous peu. Il fallait absolument que je lui fasse bonne impression ! «
- Stilinski ! » Lança-t-il tout en me voyant frapper à la porte ouverte. «
- Entrez donc. Que me vaut cette belle surprise ? » Son ton enjoué (mais faux, peut-être ?) m'encourageait sur ma lancée. Prenant place sur l'un des fauteuils en face de son bureau, je ne quittais pas mon sourire des grands jours et croisais les bras sur mon torse. «
- Monsieur, je suis là pour vous parler de quelque chose d'essentiel dans la survie de l'entreprise: votre succession. Je suis certain que vous... » Mais il leva son bras, m'indiquant de me taire. Ahuri, je fermai la bouche, sourcils fermés. «
- Inutile de vous donner tant de mal Monsieur Stilinski, j'ai déjà pris ma décision. Et vous la saurez en même temps que tout le monde. » Il appuya sur chaque mot pour me faire comprendre de ne pas insister. Son sourire, je le trouvai narquois. Que ce soit son intention ou non, sur le moment, je m'en fichais. «
- Maintenant Monsieur, si vous voulez bien vous donner la peine...» Il indiqua la porte d'un mouvement de bras et je quittai la pièce, ne demandant pas mon reste. Quelques jours plus tard, la nouvelle était enfin tombée: je n'étais pas directeur. J'avais même régressé. Un échec personnel qui me coûtait beaucoup. Mais pour enfoncer un peu plus le clou: Grace m'avait devancé. C'était ma boss. Bordel de merde!
«
- Nolan, j’attends toujours votre rapport sur mon bureau, je pensais vous avoir dit de me le rendre avant midi et nous sommes déjà l’après-midi ! » Je tiquai derrière mon écran d'ordinateur, alors que j'entamais le troisième café de la journée. Elle reproduisait exactement la même pression que je lui mettais. Au début, cette situation m'agaçait au plus haut point, mais au final, j'ai appris à m'y faire. Je me dis que ce n'est que provisoire, qu'en travaillant toujours plus dur, je pourrai toujours inverser la tendance (comment ça, l'espoir fait vivre...?) Ou alors, je pourrai faire exprès de rester à ce service pour qu'elle voit mon adorable minois tous les jours...Mh..C'est une idée. A vrai dire, j'avais en tête une idée de vengeance bien plus efficace sur le moment. Dieu sait à quel point les bruits de couloir se répandent vite! L'idée d'une rumeur à lancer était vite trouvée. Et à peine quelques jours plus tard, je pouvais déjà voir la magie opérer: «
- Il paraît qu'ils ont aussi fait ça dans l'ascenseur après le travail, quand tout le monde était parti ! » Je souris en coin en entendant derrière moi une stagiaire alimenter cette fausse rumeur. Çà, c'était un détail que je n'avais pas précisé dans la version d'origine. Mais si tout le monde la reprend à sa sauce, ça ne me dérange pas. Tant qu'on ne touche pas à la rumeur d'origine:
la travailleuse et respectable Grace Meade couche avec son employé Nolan Stikilinski. Ce bruit de couloir prenait de plus en plus d'ampleur et évidemment, j'étais le premier ravi. Il n'y a pas longtemps, Grace m'avait convoqué pour en parler. Bien évidemment, je n'ai pas lâché le morceau. J'ai seulement été assez séducteur pour la troubler, et évasif pour -peut-être- la lancer sur de fausses pistes. Cette convocation ne faisait qu'alimenter toutes les questions des autres employés. «
- Je savais que ça allait arriver vieux, elle t'a toujours déshabillé du regard! Maintenant qu'elle est ta patronne elle doit se dire que c'est elle qui commande, mais on compte sur toi pour lui montrer qui c'est le patron, hein! » Me lançais un collègue de bureau tout en riant, me donnant une grande tape dans le dos au détour d'un couloir. Je vous fais cadeau des blagues vaseuses. C'était une délicieuse vengeance et sans conséquence - malgré ce qu'elle pouvait dire, je fournissais un travail de vraie qualité, et me virer pour me remplacer par un autre serait une bêtise. De toute manière, je ne me laisserai pas faire.
Coucher avec Grace Meade...Je ne dirai pas non, honnêtement ! Le jeu du chat et de la souris, c'est un jeu dangereux, mais si elle veut jouer, on va jouer...Je suis prêt à suivre les règles mais attention, je suis aussi très mauvais perdant.